Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Botanic-Serres du Saleve contre Stéphane Beart

Litige n° D2010-1183

1. Les parties

La Requérante est la société Botanic – Serres du Saleve, Archamps, France, représentée par le Cabinet Plasseraud, Conseil en Propriété Industrielle, Lyon, France.

Le Défendeur est Monsieur Stephane Beart, Mulhouse, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <botanic-place.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est la société Gandi SARL.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la société Botanic – Serres du Saleve auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 19 juillet 2010.

En date du 19 juillet 2010, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le même jour, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 21 juillet 2010, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 août 2010. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 10 août 2010.

En date du 19 août 2010, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Christiane Féral-Schuhl. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est Botanic – Serres du Saleve, société inscrite au registre du commerce et des sociétés de Thonon-les-Bains sous le numéro 310 473 178 et dont l’activité consiste en la production et la distribution de produits de jardinerie, d’animalerie et de décoration.

La Requérante est titulaire des marques suivantes :

- la marque française BOTANIC, déposée le 21 décembre 1993 pour les classes 1, 5, 7, 8, 20, 28, 31, 35, 42 et 44 sous le numéro 93 498 366;

- la marque française BOTANIC, déposée le 15 mai 2001 pour les classes 3, 4, 5, 6, 11, 16, 17, 19, 20, 21, 24 et 25 sous le numéro 01 3 100 255;

- la marque internationale BOTANIC, déposée le 13 novembre 2001 sous le numéro 777519, enregistrée en Suisse, Benelux et en Italie pour les classes 3, 4, 5, 6, 11, 16, 17, 19, 20, 21, 24 et 25; en Espagne pour les classes 3, 5, 11, 16, 17 et 19; et en Allemagne, pour les classes 4, 6, 11, 16, 17, 19, 20, 21, 24 et 25.

Le Requérante est également titulaire des noms de domaine suivants :

- <botanic.com>, enregistré le 5 février 1997;

- <botanic.fr>, enregistré le 18 mai 1998;

- <botanic.biz>, enregistré le 27 mars 2002;

- <botanic.eu>, enregistré le 9 juillet 2006.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <botanic-place.com> le 8 avril 2007.

C’est dans ces conditions que le Centre a été saisi du présent litige.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

La Requérante considère que le nom de domaine <botanic-place.com> enregistré par le Défendeur reprend à l’identique ses marques BOTANIC.

La Requérante estime en effet que le terme “place” qui se trouve en deuxième position et qui désigne un lieu en langues anglaise et française, ne caractérise qu’une simple déclinaison du terme “botanic”. Selon la Requérante, la probabilité pour qu’un consommateur interprète le nom de domaine <botanic-place.com> comme identifiant un point de vente sur Internet de ses propres produits est élevée.

La Requérante ajoute que la comparaison du nom de domaine <botanic-place.com> et de ses marques et dénomination sociale BOTANIC révèle un risque de confusion élevé dans l’esprit du consommateur, risque d’autant plus élevé que la Requérante et le Défendeur ont une activité identique.

La Requérante considère que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime à faire valoir sur le nom de domaine <botanic-place.com>.

La Requérante indique que le Défendeur ne se dénomme pas “botanic place” et n’est titulaire d’aucun droit sur l’expression “botanic place”.

La Requérante considère enfin que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

La Requérante estime en effet que le Défendeur, dont l’activité commerciale est en relation directe avec celle de la Requérante, ne pouvait ignorer son existence, ni celle de ses droits sur ce terme. La Requérante se qualifie d’ “enseigne incontournable du secteur de la jardinerie”.

Selon la Requérante, la mauvaise foi du Défendeur est confirmée du fait que, bien que le site “www.botanic-place.com” mentionne une société Botanic Place, cette dernière n’est pas enregistrée sous cette dénomination au registre du commerce et des sociétés ou dans les Pages Jaunes.

La Requérante estime donc que le Défendeur tente de se placer de manière déloyale dans le sillage de la Requérante, en profitant de la confusion créée avec ses marques, sa dénomination commerciale, son nom commercial, ses enseignes et ses noms de domaine, pour cibler et détourner sa clientèle.

En conséquence, la Requérante sollicite le transfert du nom de domaine <botanic-place.com>.

B. Défendeur

Le Défendeur considère que le nom de domaine <botanic-place.com> ne reprend pas à l’identique les marques BOTANIC sur lesquelles la Requérante estime être titulaire de droits.

Le Défendeur indique que le nom de domaine litigieux est différentiable des marques de la Requérante car celle-ci n’est dépositaire que du nom “botanic” seul et que ce terme est un composant de nombreux sites internet du même secteur d’activité.

Le Défendeur ajoute qu’il a toujours veillé, dès la création de sa structure, à ce qu’elle soit différenciée et perçue par tous moyens de recherches comme telle.

Le Défendeur conteste la légitimité de la Requérante sur le terme “botanic” qui représente, selon lui, un terme usuel de la langue française et insusceptible de protection au titre du droit des marques. Il démontre avoir utilisé le nom de domaine en cause dans le cadre de son activité professionnelle.

Le Défendeur considère enfin qu’il a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de bonne foi.

Selon le Défendeur, il a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux uniquement dans le cadre de son activité commerciale, sans chercher à le revendre ni à perturber l’activité de la Requérante. Le Défendeur ajoute qu’il propose une activité de vente en ligne, contrairement à la Requérante.

En conséquence, le Défendeur appelle la Commission administrative à ne pas faire droit à la demande de la Requérante.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative constate que la Requérante invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine <botanic-place.com> par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite en conséquence sa transmission à son profit.

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable”.

Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose à la Requérante de prouver contre le Défendeur cumulativement que :

(i) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle la Requérante a des droits;

(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;

(iii) le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

En conséquence, il y a lieu de s’attacher à vérifier que chacune de ces conditions est bien remplie par la Requérante.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le nom de domaine litigieux est <botanic-place.com>. La Commission administrative relève que la Requérante est bien titulaire, depuis plus de 15 ans, de plusieurs marques française et internationale comprenant le seul terme “botanic” et qu’elle est également titulaire des noms de domaine <botanic.com>, <botanic.fr>, <botanic.eu> et <botanic.biz>. La Commission administrative relève également que la Requérante n’est pas titulaire d’une marque “Botanic Place” que ce soit en France ou à l’étranger. Le nom de domaine litigieux et les marques BOTANIC de la Requérante ne sont donc pas identiques et la question est donc de savoir si le nom de domaine <botanic-place.com> et les marques BOTANIC sont similaires au point de prêter à confusion.

La Commission administrative note que le nom de domaine litigieux comprend un terme identique aux marques BOTANIC dont est titulaire la Requérante. Cependant, dans certaines circonstances la présence dans un nom de domaine d’un terme identique à une marque ne suffit pas, en lui même, à caractériser entre ce nom de domaine et cette marque une similitude qui serait de nature à entraîner une confusion, notamment lorsque ce terme est un nom commun.

En l’espèce, le nom de domaine en cause n’est pas constitué que du seul mot “botanic”, puisqu’il y associe le mot “place”, un autre nom commun désignant un lieu, que ce soit en français ou en anglais.

La Commission administrative ajoute enfin que le mot “botanic” est un mot anglais que l’on peut traduire en français par “botanique”, nom commun très souvent associé au monde de la jardinerie. Il n’apparaît donc pas anormal que ce terme, y compris dans sa version anglaise, soit utilisé pour désigner une activité exercée dans le secteur de la jardinerie.

La Commission administrative considère qu’il serait au contraire inapproprié que la Requérante, ayant déposé à titre de marque un mot usuel tel que “botanic”, puisse en interdire l’enregistrement et l’utilisation à toute personne désireuse d’exercer en ligne une activité professionnelle liée à la jardinerie.

Or, d’une part, il ne peut être contesté que la Requérante n’est en rien titulaire d’une marque “Botanic Place” et qu’elle ne propose à la vente aucun produit ou service sous cette dénomination et, d’autre part, il pourrait être considéré que l’association du mot “place” au mot “botanic” permet au nom de domaine litigieux de bénéficier d’une identité visuelle et sonore distincte des marques de la Requérante.

Cela étant dit, et vu les conclusions de la Commission administrative relatifs aux droits ou intérêts légitimes et enregistrement et usage de mauvaise foi du nom de domaine, la Commission administrative n’a pas à statuer sur ce premier élément de l’UDRP.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Défendeur ne démontre pas être titulaire de droits sur l’expression “botanic-place”.

Cependant, le Défendeur démontre qu’il a, avant d’avoir eu connaissance du litige, utilisé le nom de domaine litigieux en rapport avec une offre de bonne foi de services dans le secteur de la jardinerie. Le Défendeur propose bien aux internautes des services liés à la botanique tels que des travaux d’aménagement paysager ou des services de fleuristerie. Il est, de ce fait, connu sous la dénomination “Botanic Place” comme en témoigne sa popularité sur des sites de réseaux sociaux tels que FaceBook.

L’utilisation faite par le Défendeur du nom de domaine en cause est donc un usage loyal qui ne comprend pas une intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir les marques de la Requérante.

En conséquence, la Commission administrative considère que le second critère posé à l’article 4(a) des Principes directeurs n’est pas rempli.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Commission administrative rappelle que, conformément au paragraphe 4(a) (iii) des Principes directeurs, la mauvaise foi du Défendeur doit être établie concernant l’enregistrement du nom de domaine ainsi que son usage.

La Requérante, qui se qualifie d’ “enseigne incontournable du secteur de la jardinerie”, estime que le Défendeur, dont l’activité commerciale est en relation directe avec celle de la Requérante, ne pouvait ignorer son existence, ni celle de ses droits sur ce terme. Elle ajoute qu’aucune société n’a été enregistrée sous la dénomination “Botanic Place” et que le Défendeur tente de se placer de manière déloyale dans le sillage de la Requérante, en profitant de la confusion créée avec ses marques, sa dénomination commerciale, son nom commercial, ses enseignes et ses noms de domaine, pour cibler et détourner sa clientèle.

Or, ce faisant, la Requérante ne démontre en rien l’existence d’actes positifs imputables au Défendeur qui pourraient caractériser sa mauvaise foi.

La Commission administrative relève qu’en aucun cas le Défendeur n’a tenté de vendre, de louer ou de céder l’enregistrement du nom de domaine en cause à la Requérante ou à un concurrent de celle-ci, pas plus qu’il ne semble avoir enregistré le nom de domaine pour perturber l’activité commerciale de la Requérante.

De même, il n’est pas prouvé que le Défendeur a tenté d’attirer les internautes vers son site Web en créant une confusion avec les marques de la Requérante.

Au contraire, la Commission administrative considère que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux à la seule fin de développer sa propre activité économique.

La Commission administrative considère donc que le troisième et dernier critère posé à l’article 4(a) des Principes directeurs n’est pas rempli.

7. Décision

Conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative rejette la plainte.

Christiane Féral-Schuhl
Expert Unique
Le 1er septembre 2010